Un ancêtre aux petits soins
Chaque arbre a son histoire, chaque arbre présente ses propres caractères. Bien sûr, certains sujets inspirent plus de respect que d’autres. Cette différence de prestige est liée à plusieurs facteurs. Tout d’abord, l’essence à laquelle appartient un arbre donne une première valeur. Chênes, hêtres, tilleuls, châtaigniers, cèdres… sont des arbres dégageant une certaine noblesse. Ce sont également des essences pouvant vivre de nombreuses années. A l’opposé, les saules, les peupliers, les bouleaux, les robiniers… bien qu’étant de beaux arbres ayant leur place dans certains de nos parcs, sont des arbres de moindre valeur, se développant très vite, atteignant rapidement leur taille adulte. Leur espérance de vie est plus courte, bien que tous puissent dépasser les 100 ans.
Le nombre des ans qu’il a fallu à un arbre pour se développer ne peut qu’entraîner le respect. Avec le temps, l’architecture de l’arbre va s’affirmer, les années vont se graver à jamais sur l’écorce, sur le tronc. Chaque arbre va développer sa propre silhouette, en fonction de ses caractères, de l’espace qu’il a à disposition, des évènements extérieurs qui vont marquer son existence.
Parmi les arbres ayant la plus longue espérance de vie et ayant le plus de caractère dans notre région, on trouve les chênes.
Il est toujours difficile de définir avec certitude l’âge d’un arbre vivant sans lui occasionner des dégâts en prélevant des échantillons. Cependant, des fourchettes peuvent être avancées, certains de nos vieux chênes ont 300, 400 voire 600 ans. Ils sont pourtant loin d’être les plus vieux êtres vivants sur terre. En Amérique du nord, on trouve des séquoias géants portant à merveille leurs 2500 ans, des pins aristata flirtant autour des 4000 ans !
Mais revenons à nos chênes et plus précisément à un chêne qui a fait l’objet de soins bien particuliers. Ce vieil arbre doit avoir autour des 400 ans, peut-être plus. Il a été bien marqué par les aléas de la vie. Pour diverses raisons, qu’on ne peut définir avec certitude, les ¾ du tronc et de la couronne ont disparu. Peut-être a-t-il été foudroyé ou a-t-il subi d’autres dégâts, ouragan, etc. Le fait d’être un arbre à une seule face n’empêche pas ce chêne d’avoir une bonne vitalité, 4 grosses branches charpentières partent ainsi de cette paroi de bois pour former sa couronne.
Cet arbre était laissé à lui-même, petit à petit des jeunes frênes et autres érables spontanés l’envahissaient et s’apprêtaient à le surpasser, ce qui aurait pu entraîner sa mort car les chênes ont besoin de soleil.
Cette partie de tronc creux était devenu un lieu privilégié pour de grands enfants à la recherche de lieux à l’abri du regard des adultes. Un jour, de la fumée alerta des usagers du lieu, l’intérieur du vieux chêne était en feu. Les pompiers durent intervenir. Grâce à eux, les dégâts furent relativement de moindre importance.
Cet évènement permit de sensibiliser de nombreuses personnes sur l’état de cet arbre et sur sa valeur historique. Ce chêne extraordinaire ne pouvait pas être abandonné et rester sans soins, ses lourdes branches charpentières, fixées miraculeusement sur une faible paroi de tronc, risquaient de se rompre.
Grâce au travail et à la générosité de plusieurs amoureux des arbres, grâce aussi à la bienveillance des pouvoirs publics, les meilleurs soins ont pu être donnés à cet ancêtre. Pour éviter qu’il ne s’affaisse, des béquilles ont dû être posées. Bien sûr, il était plus joli sans ces tiges métalliques, qui le soutiennent actuellement, mais il n’y avait pas d’autre solution pour le consolider. Il fut débarrassé de ses jeunes voisins envahisseurs, ses branches mortes furent taillées. Afin de lui donner le maximum de chance, du compost fut répandu sous sa couronne.
La vigueur de ses pousses, le beau feuillage d’un vert soutenu, laisse présager un bel avenir pour ce vieux chêne. Il est maintenant bien mis en valeur, les enfants ne font plus de feux dans son tronc, il est à nouveau, et espérons, pour longtemps, le roi de son parc.
Vous pouvez voir cet arbre qui se trouve sur le site de la Fondation de l’Ecole R. Steiner de Lausanne, domaine de Bois-Genoud, à Crissier. Ne manquez pas d’aller le contempler depuis la terrasse du restaurant tout proche. Dans le même parc, vous trouverez également de beaux séquoias, cèdres et autres marronniers. Un agréable but de ballade pour qui aime les arbres.
Cédric Leuba