La prière d’un bouleau
Le bouleau. J’ai la chance d’être un arbre aimé. Il faut dire que j’ai tout pour plaire. Élancé, souple, on aime mon ombre légère, mes jeunes rameaux pleureurs frémissent au moindre vent, mes petites feuilles dentées s’agitent avec grâce.
Pour me faire encore plus remarquer, j’ai une belle écorce blanche, cela surtout dans mon jeune âge, grâce à elle, tout le monde me reconnaît, c’est si original.
Mais mes qualités ne sont pas uniquement tape-à-l’œil, très rustique, je m’adapte à tous les sols, même les plus pauvres. Le froid ne me fait pas peur, je peux grimper jusqu’à 2000 m dans les Alpes, je donne aux tourbières de la vallée de La Brévine et du Jura, leur cachet incomparable, je suis des forêts à moi tout seul dans le grand Nord, supportant aussi bien les étés sans nuit que les hivers sans lumière ! Ces qualités m’ont permis de supporter les glaciations du quaternaire. Je suis un vrai nord-européen.
Vous allez penser que je me vante mais en plus, je sais me montrer utile, mon bois est utilisé pour la confection de petits objets, on l’apprécie brûlant dans la cheminée pour les belles couleurs des flammes, on en fait du papier tout comme mon écorce, les indiens d’Amérique utilisaient cette dernière pour la construction de canoës; en Scandinavie, on en fait des tuiles. Et c’est pas tout, on m’utilise aussi pour tanner les cuirs et comme teinture.
La médecine reconnaît mes mérites, mon jus a des vertus diurétiques, stimulant les reins, il débarrasse le sang des excès de graisse et d’acides.
Je suis un arbre dit pionnier, toujours prêt à coloniser les terrains libres, mes graines minuscules petites samares légères, sont emportées très loin par le vent. Comparé à d’autres arbres, je ne vis pas longtemps, 150 ans étant pour moi un âge plus que respectable.
Toutes ces qualités ont fait de moi l’un des arbres les plus plantés dans les jardins. Je mérite bien cet honneur. Mais les hommes sont quelquefois bizarres. Souvent à peine ai-je atteint la moitié de ma taille adulte, qui est d’environ 20 m, que de prétendus jardiniers s’acharnent sur moi en me coupant la tête, en me raccourcissant fortement les branches. Est-ce par ignorance, par manque de sensibilité, par habitude ? Je n’en sais rien, mais pour moi ces pratiques sont catastrophiques ! Fini ma belle silhouette si gracieuse, bonjour les grosses blessures qui ne feront qu’empirer avec le temps, accélérant mon déclin. Et ne croyez pas que la couche de peinture soi-disant cicatrisante utilisée par les massacreurs soit une consolation; c’est juste pour donner bonne conscience aux utilisateurs de tronçonneuse qui n’ont jamais pris la peine de savoir comment un arbre fonctionne.
Je me plais bien dans mon coin de jardin, mais chaque année, quand vient l’hiver et que les jardiniers manquent de travail, je ne peux m’empêcher de frémir à chaque fois que je vois une camionnette s’arrêter près de chez moi.
Alors si vous aussi, vous avez un bouleau chez vous, par pitié, laissez-le tranquille, prouvez-lui que vous avez un cœur et une tête, laissez-lui la sienne.
On rencontre principalement deux types de bouleaux à l’état sauvage dans nos régions : le bouleau verruqueux (Betula verrucosa ou B. pendula) et le bouleau pubescent (B. pubescens). Il existe beaucoup de similitudes entre les deux, le verruqueux, plus répandu chez nous, possède des rameaux plus pleureurs, son écorce devient plus vite crevassés et noirâtre que celle du pubescent, ce dernier supporte mieux les sols gorgés d’eau. On trouve également un arbuste appelé Betula nana atteignant 1 m de hauteur, plus répandu dans les pays nordiques, il en existe dans certaines tourbières du Jura. Parmi les nombreuses variétés ornementales du bouleau verruqueux, citons : – fastigiata au port étroit – purpurea au feuillage rouge – yougii au port pleureur. D’autres bouleaux exotiques ont été introduits : B. nigra, B. lenta, B. papyrifera venant de l’est de l’Amérique du nord, B. alba-sinensis du nord de la Chine et B. utilis d’Himalaya. Il existe une quarantaine d’espèces de bouleaux dans le monde. Ils font partie de la famille des bétulacées en compagnie des aulnes, des noisetiers, des charmes et des ostrya.
Cédric Leuba