Nos platanes en danger: le chancre coloré
Depuis plusieurs années les platanes du sud de l’Europe sont décimés par le chancre coloré. Provoquée par un champignon appelé Ceratocystis Platani, cette maladie a touché les platanes du canton de Genève. Voyons comment se préparer à lutter contre ce fléau
Les platanes font partie des arbres d’ornement les plus répandus, dans nos parcs et sur nos avenues.
Le platane commun est le fruit d’un croisement du platane d’Amérique du Nord (P. occidentalis) et du platane oriental (P. orientalis) originaire de la région Grèce-Turquie. Le croisement se serait réalisé au 17ème siècle dans le jardin botanique de Kew près de Londres. Il fut nommé P. acerifolia.
Peu exigeant au niveau du sol, résistant aux ruptures et très ornemental, ce platane va connaître un franc succès. Dès la deuxième moitié du 18e siècle, il est planté dans un grand nombre de parcs des châteaux français. Napoléon encourage leur plantation en alignement le long des routes, mouvement qui va continuer tout au long du 19e siècle.
Chez nous aussi, nombre de places et d’avenues doivent leur charme et leur beauté à cet arbre majestueux qui, laissé libre, peut atteindre 40 m de hauteur, mais qui grâce aux tailles répétées des jardiniers, peut également être formé en parasol. Jusqu’à peu, on lui connaissait peu de parasite, certes un champignon appelé anthracnose provoque la chute de quelques feuilles en juin, sans porter préjudice à la santé de l’arbre, un insecte appelé « tigre du platane » provoque une décoloration du feuillage, mais là aussi, le dégât reste minime.
Etonnamment, la deuxième guerre mondiale va entraîner de gros soucis pour le platane européen. En débarquant sur les côtes d’Italie et du sud de la France, l’armée américaine bien malgré elle, va introduire le champignon responsable du chancre coloré via les caisses de munition faites de bois de platane américain infesté.
Le Ceratocyxtis platani est un champignon d’une rare efficacité, pénétrant dans l’arbre par la moindre blessure, ou simplement par contact racinaire, il condamne à la mort certaine le platane infecté dans les 3 à 6 ans.
On estime qu’en Italie, près de 100’000 platanes sont déjà morts, dans le sud de la France 40’000 ! De quoi vous défigurer une ville ou un paysage.
Spécifique au platane, cette maladie est longtemps restée localisée dans le sud de l’Europe, le climat froid jouant un effet de barrage. En Suisse, les premiers cas apparaissent au Tessin dans les années 80. Profitant du réchauffement du climat, le chancre a remonté la vallée du Rhône, quelques platanes genevois furent infectés en 2004 et 2005.
Profitant des expériences faites en France et notamment des précieux conseils du chercheur André Vigouroux, qui a beaucoup travaillé sur le chancre et le platane en général, la réaction des autorités cantonales genevoises par l’entremise du service Domaine Nature et Paysage a été énergique. Il faut savoir qu’il n’existe aucun moyen de soigner un arbre atteint. La lutte est donc uniquement préventive. Afin de limiter la propagation du champignon, des mesures strictes ont été édictées au sujet de la taille des platanes et de leurs abattages. Des mesures doivent également être prises lors de travaux de terrassement aux abords de platanes, il a été démontré qu’en France, de nombreux dépérissements ont été occasionnés lors de travaux de ce type.
Actuellement, sur Genève, seules des entreprises ayant suivi un cours de formation sont habilitées à tailler les platanes.
Les mesures les plus importantes peuvent être résumées ainsi :
- taille des platanes du 1er décembre au 1er mars, lorsque la température est en dessous de 10 degrés (vol des spores limité dans ces conditions)
- désinfection de l’outillage entre chaque arbre
- élimination des déchets de taille à une centrale d’incinération
- annoncer tous cas de dépérissement de platane. En cas de chancre, abattage avec mesures particulières (récupération de tous les déchets, transport en camion bâché, incinération, désinfection,…)
Actuellement, plus aucun cas d’infection n’est signalé en Suisse romande, en revanche, des spores de ce terrible champignon ont été capturés sur territoire genevois lors d’une campagne de piégeage menée par le laboratoire d’agronomie de l’école d’ingénieurs HES de Lullier. Il y a fort à parier qu’emmenés par les vents, ces spores doivent également être présents dans des autres parties de Suisse romande. Les mesures de précaution devraient être appliquées à toutes les zones de plaine où le chancre pourrait se développer.
La détermination de cette maladie nécessite des connaissances encore peu répandues en Suisse romande. Certains platanes peuvent présenter des symptômes de dépérissement et ne pas être atteints par le chancre. Pour le canton de Genève, des renseignements peuvent être obtenus sur le site http://etat.geneve.ch/dt/site/protection-nature.
Les propriétaires d’arbres de Suisse romande, soucieux de l’état de leur(s) platane(s), peuvent contacter les entreprises spécialisées adhérent à la charte de qualité de l’Association Suisse des Soins aux Arbres sur le site assa.ch rubrique charte.
Malgré ces informations plutôt alarmistes, tout n’est pas perdu pour le platane. Ces mesures de prévention vont permettre de limiter les dégâts. Le chercheur A. Vigouroux a réussi à développer un platane résistant au chancre coloré, ce clone a été appelé Vallis Clausa en hommage au département du Vaucluse fortement touché par le chancre et qui a beaucoup soutenu le travail de recherche. Ce platane est, dès cette année, également commercialisé en Suisse.
Cédric Leuba