Faut-il mastiquer les plaies des arbres ?
Les théories les plus diverses ne manquent pas sur le sujet. Pour y répondre, des scientifiques ont mené des études. A l’heure actuelle, aucune étude sérieuse ne peut prouver une quelconque efficacité des mastics ou pâte à cicatriser sur le long terme. Voyons ensemble comment les arbres réagissent aux blessures et répondons à la question: faut-il mastiquer les plaies des arbres
Les arbres en milieu urbain prennent de plus en plus d’importance : leur sort ne laisse pas les citadins indifférents et c’est tant mieux. Depuis de nombreuses années, les arbres sont suivis, taillés, mastiqués, enrubannés, etc. Si toutes ces interventions partaient d’un bon sentiment, l’absence de recherches scientifiques approfondies a laissé la place à toutes sortes d’interventions qui, aux yeux de l’homme, devaient être bonnes pour l’arbre :
- pour toutes les blessures, nous avons mis au point une substance « magique », multifonctions, appelée mastic cicatrisant. Les désinfectants faisant tant de bien sur les genoux écorchés des enfants, pourquoi ne pas les appliquer aux végétaux ?
- un arbre se creuse et pourrit à l’intérieur ? On s’est empressé de le nettoyer, de gratter jusqu’au bois sain, comme le ferait un dentiste pour une carie.
C’est ainsi que la chirurgie arboricole a vu le jour. Ces méthodes devinrent assez populaires ; il est vrai qu’un arbre traité de cette façon a un aspect « propre en ordre » convenant bien sous nos latitudes. Encore aujourd’hui, des adeptes de la chirurgie arboricole continuent de pratiquer les creuses de cavité, les drainages, les tailles de branches au ras du tronc (flush cut), le tout généreusement recouvert de mastic.
Malheureusement, un arbre ne fonctionne pas comme un animal ou un être humain. Ces derniers ont la faculté de cicatriser leurs blessures. Il n’en va pas de même pour les arbres. Ils ne peuvent pas réparer les dégâts, ils luttent contre les conséquences des blessures et des infections en isolant la partie endommagée par le biais de la compartimentation.
Cette faculté qu’ont les arbres d’isoler les cellules infectées nous a été révélée par le professeur américain Alex Shigo, décédé malheureusement en septembre 2006.
Durant les années 60 et 70, des milliers d’arbres furent sectionnés longitudinalement afin d’être observés. Certains exemplaires avaient préalablement été blessés volontairement, les plaies recouvertes avec divers produits existant sur le marché ou laissées tel quel.
Les résultats de ces recherches permirent au professeur Shigo de mettre en évidence le principe de compartimentation qu’il baptisa « CODIT » (Compartimentalization of Decay in Trees), soit compartimentation de la pourriture dans les arbres. Concernant les mastics et de leur utilité, sa réponse tint en une phrase : au mieux, les mastics ne servent à rien !
Lors d’une blessure au tronc, l’arbre réagira en deux étapes :
- dans un premier temps, il y a la mise en place de zones de réaction autour de la blessure, ce qui protège le bois présent au moment de la blessure. Trois parois vont ainsi être constituées, la paroi No 1 résistera à une propagation longitudinale des agents pathogènes, la paroi No 2 résistera à une propagation radiale et la No 3, à une propagation latérale.
- dans un deuxième temps, l’arbre créera une zone de barrage No 4, qui séparera le bois présent au moment de la blessure du bois formé après celle-ci.
La protection des zones de réaction n’est pas absolue, il est fréquent que les pathogènes prennent le dessus, mais leur avancée est freinée.
La zone barrière No 4 est elle très résistante à la majeure partie des bactéries et champignons. Un arbre creux, comme on en rencontre fréquemment, résulte de la destruction progressive des zones de réaction Nos 1, 2,3 et de l’admirable résistance de la barrière No 4.
La réussite de la compartimentation dépend de plusieurs facteurs. Certaines essences compartimentent mieux que d’autres. L’ampleur de la blessure joue également un rôle ; plus elle est grande, plus l’arbre éprouvera des difficultés ; la période a également un rôle à jouer et finalement, cela est très important, le sauvetage de l’arbre dépendra beaucoup de l’énergie stockée que l’arbre pourra utiliser pour sa défense. En effet, la compartimentation dans l’arbre coûte cher. Après ces réactions, l’arbre va produire du bois de blessure qui va progressivement recouvrir la zone blessée. C’est ce recouvrement que bien des gens appellent faussement cicatrisation. Ces recherches prouvent qu’au lieu d’aider l’arbre, la chirurgie arboricole l’affaiblit. En nettoyant des cavités jusqu’au bois sain, on enlève à l’arbre sa protection naturelle pour laquelle il a utilisé beaucoup d’énergie. D’autres zones de protection existent dans l’arbre. Chaque fois qu’un arbre perd un de ses organes, ou qu’une branche est taillée, il y a une ouverture, une blessure qui peut être infectée par des agents pathogènes. Ces infections sont limitées par la mise en place de zones de protection. Ainsi, à la chute des feuilles et des fruits, des zones de protection sont activées. Dans le prochain article, nous verrons comment couper une branche en occasionnant le moins de dégâts possible.
Cédric Leuba