Les arbres et l’arrosage automatique
Ce début de printemps a été particulièrement chaud et ensoleillé, dès avril les faibles précipitations ont contraint les jardiniers à penser à l’arrosage des végétaux. Réchauffement climatique oblige, faudra-t-il arroser de plus en plus et ceci dès le printemps ? L’arrosage automatique est-elle la solution idéale pour les arbres ? Quelques réflexions s’imposent avant de prendre une décision.
La nécessité d’arroser les arbres dépend de divers facteurs (voir article dans JR No 102 d’avril 2005) ; particularités de l’essence et état général des arbres, particularités du terrain, conditions météorologiques sont des paramètres importants dont il faut tenir compte.
Les arrosages automatiques facilitent grandement les problèmes d’irrigation, ils sont particulièrement appropriés pour les pelouses et les massifs de fleurs. Les arbres eux doivent la plupart du temps s’adapter aux conditions que dictent un gazon verdoyant et des massifs aux couleurs éclatantes.
Il vaut la peine de réfléchir sur les conséquences des arrosages automatiques sur les arbres en fonction de leur façon de s’alimenter en eau.
Prenons d’abord l’exemple d’aménagements d’un nouveau jardin. L’installation hydraulique va être étudiée en fonction du projet de jardin en tenant compte des diverses zones, pelouse, massif, haie, arbres, etc. Dans ce cas, la creuse pour la pose de tuyaux n’occasionnera aucun dommage aux racines des arbres. Pour être efficace, le système devrait tenir compte du fait que les arbres ne nécessitent pas un arrosage aussi fréquent que les pelouses, mais en revanche, un nombre de litres plus important, mouillant le sol en profondeur. Un arrosage trop superficiel peut être négatif à la santé des arbres, le sol n’étant mouillé que sur une faible profondeur, les racines auront tendance à rester en surface au détriment d’un enracinement plus profond qui favorisera l’ancrage des arbres et une alimentation régulière en eau. En effet, les premiers centimètres de terre ont tendance à se dessécher rapidement alors que plus profondément le sol reste plus frais et humide.
L’orientation des buses est également très importante. Il est en effet très négatif pour un arbre d’avoir un jet d’eau qui vient frapper régulièrement son tronc. Certaines écorces supportent très mal les « chocs » de l’eau, de plus l’humidité constante peut favoriser le développement de divers champignons dont certains peuvent être négatifs pour la santé des arbres.
L’installation d’un système d’arrosage automatique dans un jardin ou un parc existant avec de grands et vieux arbres est très délicate. En plus des problèmes cités ci-dessus, la pose des tuyaux d’alimentation nécessite la creuse de fouilles qui immanquablement occasionnent des dégâts aux racines des arbres. Les études du système racinaire des arbres adultes montrent qu’en moyenne, le 80% des racines se situe dans les premiers 50 cm de sol ! Il est donc primordial pour leur santé et leur développement de faire les fouilles le plus loin possible du pied des arbres. Il est impossible de donner une règle, seule l’observation du site et de la spécificité des arbres en présence permettent de déterminer de quelle façon l’installation peut ou ne doit pas être mise en place.
De mon expérience d’arboriste journellement confronté aux problèmes que rencontrent les arbres dans nos parcs et jardins, je dois malheureusement constater que trop souvent les installations sont faites sans trop se soucier des arbres existants. Un arbre endommagé ne va pas montrer de symptômes tout de suite, mais quelques années plus tard, on pourra apercevoir l’apparition de champignons pouvant occasionner la détérioration du système racinaire et du pied de l’arbre. Malheureusement il est souvent trop tard, les mesures doivent être prisent préventivement lors de l’installation. Il vaut mieux devoir faire un détour de quelques mètres, même si cela va augmenter les coûts de l’installation plutôt que de créer des dommages qui peuvent entraîner ou contribuer à la mort d’arbres séculaires. De bons résultats peuvent être obtenus mais pour cela, le projet doit tenir compte de tous ces paramètres. Une collaboration entre le concepteur du parc, le poseur d’irrigation et un arboriste ayant une bonne connaissance de la biologie des arbres et des particularités de leurs systèmes racinaires, est le meilleur moyen d’avoir un beau gazon arrosé sans fatigue, sans que les arbres aient à pâtir de l’installation du système d’arrosage automatique.
Cédric Leuba