Arbres de nos tourbières
Parmi la multitude d’arbres indigènes à notre région, seuls quelques uns s’adaptent aux conditions particulières des tourbières. Partons à leur découverte.
Les conifères sont peu représentés dans nos tourbières, la majorité d’entre eux craignent un sol trop humide, particulièrement en période hivernale.

Pin
Le pin de montagne ou pin à crochets, Pinus mugo en latin, lui se plaît dans ce milieu acide. Il faut dire que cette essence est particulièrement peu exigeante, s’adaptant aux conditions les plus extrêmes. Jugez plutôt, vous pouvez rencontrer aussi bien ce pin au bord de la Méditerranée où il est utilisé pour fixer les dunes, qu’à plus de 2000 mètres d’altitude dans les Alpes ! Les conditions difficiles de la montagne engendrent une croissance faible, si bien que pour survivre, notre valeureux pin gardera une forme buissonnante, ses branches basses couchées à même le sol.
Dans de bonnes conditions, il peut devenir un arbre aux dimensions tout à fait respectables, allant flirter aux alentours des 25 mètres.
Les exemplaires se développant dans les tourbières ne deviennent pas si hauts. L’altitude est déjà un facteur limitant, mais la structure et la nature particulière d’un sol de tourbière ne permet pas un trop grand développement. En effet, plus les arbres sont grands, plus ils sont exposés aux vents. Le système racinaire a comme fonction d’alimenter l’arbre en eau et en sels minéraux et à le fixer dans le sol ; or, dans une tourbière, le sol a une faible résistance mécanique, un arbre trop grand, dont la couronne présente une trop forte résistance au vent, n’aura pas une assise racinaire suffisante et il va, lors de forts vents, être déraciné.
Sa décomposition favorisera la croissance d’autres végétaux, tout comme l’arrivée de lumière supplémentaire engendrée par sa disparition.
Ses aiguilles sont vertes foncées, assez rigides, elles sont piquantes. Groupées en général par deux dans la même gaine, il arrive qu’elles soient également au nombre de trois.
En fonction de l’altitude, la floraison a lieu de mai à juillet. Des chatons mâles jaunâtres, le pollen d’une extraordinaire abondance s’envolera à la rencontre de la fleur femelle violacée et plus discrète.
Issus de cette union, les cônes d’un vert luisant, mesurent de 2 à 7 cm. Ils n’arriveront pas à maturité la même année mais seulement l’automne d’après, les graines, elles, seront libérées que le printemps suivant. Peu exigeant, quant à la nature du sol, résistant aux frimas de l’altitude lors des hivers les plus rudes, ce pin robuste parmi les robustes n’a qu’une seule exigence, la lumière du soleil.
Si d’autres essences parviennent à la surpasser et ainsi le privent des rayons du soleil, il ne survivra pas longtemps.
Fidèle compagnon du pin de montagne, le bouleau est le feuillu le plus répandu dans les tourbières de notre pays.
Là encore, nous avons à faire à un arbre que les températures basses n’effraient pas. Présent dans toute l’Europe à l’exception des zones de basse altitude du sud, il forme des forêts à lui seul en Scandinavie et on le retrouve sous forme buissonnante jusque dans les toundras de Russie. Notre bouleau est appelé Betula pendula, le terme pendula signifie pleureur ; ceci se rapporte aux jeunes rameaux qui sont effectivement pendants, donnant une silhouette très élégante à cet arbre très répandu non seulement dans les tourbières mais également dans les parcs et les jardins. La détermination de l’espèce a depuis longtemps entraîné des litiges entre botanistes, tantôt Betula alba, B. verrucosa, B. pubescens ; on ne sait pas bien si l’on a à faire à de bonnes espèces, à des sous-espèces ou à des variétés d’une grande espèce ! D’autant plus que tout ce petit monde des bouleaux européens n’hésite pas à s’hybrider entre eux. Pour l’instant, restons en à Betula pendula !
Son écorce d’un blanc lumineux perdurant pendant plus de 20 ans et brunissant par la suite, fait que le bouleau est facilement identifiable. Poussant rapidement, c’est un arbre ayant une espérance de vie plutôt courte, 150 ans étant le maximum. Elancé, il peut atteindre plus de 25 mètres de hauteur, ses branches fines et souples se balancent élégamment dans le vent. Ses feuilles petites sont dentées, plutôt espacées, elles occasionnent une ombre légère, les rayons du soleil pouvant « s’infiltrer » dans la couronne de cet arbre aux multiples qualités ornementales. Déjà en place durant l’hiver, les fleurs mâles se présentent sous forme de longs chatons pendants, en avril-mai, elles vont généreusement larguer leur pollen qui iront féconder les fleurs femelles, également regroupées sous forme de chatons mais de plus petite grandeur.
Le plus souvent, durant l’automne et l’hiver, les graines restent blotties entre les écailles, très légères elles attendent les vents du printemps suivant pour aller coloniser de nouveaux territoires.
Peu exigeants au niveau du sol, les bouleaux sont des plantes pionnières ; elles peuvent s’établir dans tous les sols légers, sablonneux et maigres. En milieu urbain, on les voit souvent envahir les friches industrielles et autres zones abandonnées, poussant dans les failles de béton ou de revêtement bitumineux.
Alors bien sur une tourbière pour le bouleau est une aubaine ; il y trouve un sol de nature légère, avec une réserve d’eau lui permettant de supporter les périodes chaudes.
Contrairement à son compagnon le pin, il peut très bien vivre dans un léger ombrage même s’il se développera mieux en plein soleil.
D’autres essences moins bien adaptées aux conditions particulières des tourbières parviennent néanmoins à s’établir aux bords de celles-ci ou dans des zones de tourbières où les conditions leur sont favorables.
Dans le Jura, par exemple, il n’est pas rare de trouver des épicéas. Aussi appelé sapin rouge, ce conifère très répandu dans toute les zones de montagne en Europe, s’est vu affublé de toute une série de noms par les botanistes. Actuellement, on le nomme scientifiquement Picea excelsa, source latine du mot « pix » qui signifie la poix. Il est vrai que le moindre contact avec une branche ou un cône, laisse immanquablement un souvenir collant et odorant sur les mains, toutes les parties de cette plante étant richement pourvues en poix.
Cet arbre forestier apprécie les coteaux des montagnes frais et arrosés. Occupant parfois outrageusement le terrain aux alentours des 1000 m d’altitude, il ne dépassera que rarement les 1500 m, répugnant à affronter les frimas liés à la haute montagne.
On le rencontre jusqu’en plaine, où les forestiers l’ont trop fortement planté, altéré par la forte croissance et le rendement intéressant que laissait entrevoir son exploitation. Dans bien des cas, le calcul s’avéra beaucoup moins intéressant que prévu. Mal adaptés aux conditions de plaine, les épicéas s’affaiblissent progressivement ; ne pouvant se défendre efficacement, ils sont attaqués par une multitude de parasites de faiblesse, qu’ils soient insectes ou champignons.
Poussant au bon endroit, l’épicéa est un grand et bel arbre, sa forme conique est très régulière. Chez nous, les plus grands avoisinent les 50 m ; régulièrement exploités, ils n’ont pas le loisir d’atteindre un grand âge. Dans les forêts vierges des Carpates, certains exemplaires de 400 à 500 ans arrivent à plus de 60 m. De couleur vert foncé, les aiguilles sont réparties sur toute la circonférence du rameau, longues d’environ 25 mm, rigides, elles sont très piquantes.
Les cônes permettent d’identifier facilement les épicéas et les sapins. Pour les épicéas, les cônes sont pendants, orientés vers le bas ; une fois mûrs, ils tombent d’une pièce au sol.
Chez les sapins, les cônes sont érigés sur le rameau qui les porte. Le plus souvent, ils se désagrègent sur la branche, tombant par fragments.

Saule
Certains saules en cas de conditions favorables, peuvent s’implanter dans les tourbières. C’est le cas du saule marsault (Salix caprea), arbrisseau présent sur tout le continent eurasien. Atteignant au maximum une dizaine de mètres, ce saule passe facilement inaperçu. C’est au premier printemps, au mois de mars-avril qu’on le remarquera grâce à sa belle floraison. Avant l’apparition des feuilles, les rameaux se couvrent de gros chatons tout d’abord gris argentés, avant de devenir jaunes lors de l’apparition des étamines. Cette magnifique floraison fait le bonheur des promeneurs et également des abeilles qui trouvent là de quoi calmer leur appétit printanier. Sa couronne est le plus souvent très irrégulière, ses branches plutôt fines s’étalant un peu dans tous les sens.
La feuille n’est pas typique de l’espèce Salix ; elle est en effet largement ovale pouvant atteindre 4 à 10 cm de long. Vert terne sur le dessus, elle est grise et cotonneuse au-dessous.
Le saule marsault affectionne les terrains frais et humides, il s’installera partout où le sol est aéré et riche en eaux. On le rencontre fréquemment au bord des rivières et des plans d’eau et ce jusqu’à une altitude de 2000 m.
Cédric Leuba